On parle des artistes à la Commission des Affaires sociales de la Chambre des représentants // 9 octobre 2013














08 Questions jointes de


08.01 Muriel Gerkens (Ecolo-Groen): Monsieur le président, madame la ministre, depuis fin de l'année 2011, des conflits ont lieu avec l'ONEM concernant le droit des artistes aux allocations de chômage et la distinction entre les artistes techniciens, interprètes et créateurs.
Ma question concerne plus particulièrement un jugement qui a été rendu au mois de juillet dernier. Le 2 juillet, je vous adressais une question orale sur la manière dont vous comptiez anticiper l'avenir des travailleurs et travailleuses du secteur artistique, sachant que de nouveaux jugements allaient tomber. Le 19 juillet, effectivement, le tribunal du travail de Bruxelles a donné raison aux artistes auxquels l'ONEM avait refusé le droit à la prolongation de leurs droits aux indemnités de chômage.
Le jugement était clair sur l'usage de l'article 116, §5, qui concerne la protection de l'intermittence, puisque celui-ci permet de prolonger par tranche de douze mois l'indemnisation de chômage en première période pour les travailleurs de tous les secteurs, excepté l'horeca, qui travaillent exclusivement dans des contrats de courte durée, c'est-à-dire de moins de trois mois. Dans son jugement, le tribunal du travail ne reconnaît pas à l'ONEM l'autorité pour restreindre le champ d'application de cet article, il déplore l'usage incohérent qu'il a fait de son pouvoir d'interprétation et condamne l'absence de notification au chômeur de ces décisions, où, quand il y en a, leur motivation déficiente.
De plus, le tribunal du travail confirme que le fait éventuel d'avoir choisi l'intermittence comme mode de travail et donc non pas seulement d'en subir les effets ne peut être opposé au travailleur.
Quel suivi va-t-il être donné à ce jugement? Ne serait-il pas temps de lancer un vrai travail de réflexion avec les différents acteurs et aussi d'intégrer dans cette réflexion la dimension économique que représente cette activité artistique au-delà de la dimension culturelle et des droits de tous ces artistes? Je pense en effet qu'en regard du positionnement de l'ONEM, c'est aussi une dimension qu'il faut intégrer. Quels seraient le calendrier et les modalités de ce travail de réflexion, le cas échéant?

08.02 Özlem Özen (PS): Monsieur le président, madame la ministre, vous savez que, depuis 2002, le nombre d'artistes au chômage a explosé, puisqu'il est passé de 2000 à 8500. Je ne vais pas revenir sur ce phénomène pour lequel il a été prouvé – nous en avons déjà débattu à plusieurs reprises – qu'un certain nombre d'abus avaient été commis, mais aussi que les différents bureaux de chômage avaient une pratique assez divergente en matière d'admissibilité et d'indemnisation dans le régime du chômage.
En 2011, une circulaire interprétative de l'ONEM a tenté de clarifier les règles, dans le souci d'uniformiser les pratiques des bureaux de chômage. Il n'en demeure pas moins que cette circulaire a été contestée sur certains points et qu'elle a suscité une vive émotion dans le monde artistique. Il apparaissait que certaines interprétations ne collaient pas du tout au prescrit réglementaire et que d'autres ont été jugées excessives par le Conseil national du Travail, qui avait rendu, en juillet 2012, un avis circonstancié sur le statut d'artiste et, en particulier, dans le secteur du chômage.
Depuis le 13 mai 2013, le tribunal du travail de Bruxelles a examiné pas moins de 250 dossiers dont certains concernaient des artistes exclus du chômage sur base de la circulaire de 2011, mais qui n'ont pas pu bénéficier d'une régularisation sur base des premières mesures d'assouplissement que vous avez prises, suite à cet avis du CNT. Je pense ici, par exemple, aux artistes créateurs qui travaillaient dans le monde du spectacle et qui pouvaient désormais bénéficier de la "règle du cachet".
Le 28 juin, il semble que le tribunal ait de nouveau tranché dans la fameuse "règle du cachet" en jugeant discriminatoire l'exclusion par l'ONEM des techniciens du spectacle du bénéfice de cette mesure. Confirmez-vous ce jugement? Quelle est votre position par rapport à ce jugement qui risque, évidemment, de faire jurisprudence? Je vous remercie déjà pour votre réponse.

08.03 Zoé Genot (Ecolo-Groen): Monsieur le président, madame la ministre, nous avons déjà parlé de cette question de l'application des règles particulièrement strictes de l'ONEM vis-à-vis des artistes. Manifestement, le tribunal du travail de Bruxelles trouve également que l'ONEM va au-delà de ses compétences. Il a tranché une première fois le 28 juin dernier dans le cadre de la "règle du cachet" en disant que les techniciens du spectacle pouvaient en bénéficier, contrairement à ce que l'ONEM prétend et applique. Un deuxième jugement est tombé mi-juillet, concernant la "règle du bûcheron", dans lequel le tribunal du travail a établi que l'ONEM travaillait en dehors des balises légales.
Vu que l'ONEM n'a pas contesté les jugements, on pouvait s'attendre à ce que ces règles s'appliquent et que les personnes indûment privées de leurs allocations pendant de longs mois retrouvent leurs droits. Ce n'est malheureusement pas le cas. Au contraire, le directeur général de l'ONEM remet en question l'avis du tribunal du travail, ce qui est assez étonnant dans une démocratie.
Le 27 septembre dernier, vous avez transmis vos propositions d'adaptation de la réglementation autour du statut social de l'artiste au CNT, qui devrait rendre son avis sur ces propositions d'ici la fin de ce mois.
Madame la ministre, quels sont les objectifs et balises de ces textes? Quelle est votre réaction suite à ces décisions judiciaires et au fait que l'ONEM ne les applique pas?


08.04 Monica De Coninck, ministre: Monsieur le président, chers collègues, le statut des artistes a été introduit au moyen d'une loi-programme à la fin de l'année 2002. Lors de cette introduction, l'objectif du législateur était ni plus ni moins d'offrir une protection sociale plus efficace à l'artiste.
Depuis quelque temps, je dois toutefois constater avec vous que l'attrait du statut d'artiste ainsi que les interprétations divergentes qui conduisent parfois à une inévitable insécurité juridique ont donné lieu à des abus dans la pratique. C'est justement cette insécurité juridique qui fait évidemment que l'on démarre des procédures juridiques.
L'année passée déjà, j'ai fait savoir dans cette enceinte à quel point j'étais heureuse que le bureau du Conseil national du Travail (CNT) se soit à nouveau penché sur le statut des artistes, de sa propre initiative, et ce justement parce que des abus avaient été souvent constatés.
L'avis du CNT auquel il est fait référence dans vos questions concerne en effet deux volets: un volet social et un volet chômage.
En ce qui concerne la transposition du volet chômage, qui relève de mes compétences, le Conseil a invité à augmenter autant que possible la sécurité juridique de tous les acteurs du secteur artistique, de simplifier la réglementation là où cela s'avérait possible et de la raccorder de façon plus cohérente au statut social de l'artiste.
Fin juin, j'ai déposé une proposition au sein du Comité de gestion de l'ONEM qui correspondait tout à fait aux recommandations du CNT et permettait une mise en œuvre de ces recommandations qui, d'après moi, sont très pertinentes.
Lors de l'élaboration de cette proposition, sur l'invitation de ma collègue ministre bruxelloise Laanan, j'ai fait régulièrement rapport sur l'état de la situation dans la plate-forme de concertation du secteur cinématographique. Cette plate-forme rassemble les autorités communautaires, régionales et fédérales, ainsi que les groupes d'intérêt pour toutes les questions qui ont trait à la politique en matière cinématographique.
Je me réjouis déjà de pouvoir vous communiquer aujourd'hui que j'ai appris qu'à la fin de la semaine dernière, le Comité de gestion de l'ONEM avait émis un avis positif à l'égard du projet de texte portant adaptation de l'arrêté sur le chômage. Dès que je disposerai de l'avis complet et des remarques qui ont été formulées, je poursuivrai la procédure afin que la réglementation sur le chômage puisse être adaptée d'ici le début 2014.
Les partenaires du Comité de gestion de l'ONEM ont demandé de rendre exécutoire le volet social de l'avis du CNT. C'est ma collègue Mme Onkelinx qui est compétente en la matière. Je puis vous confirmer qu'elle est en train d'effectuer un exercice semblable. Il apportera notamment une réponse à la demande du CNT visant à délimiter plus distinctement le groupe cible. Cet exercice devrait aussi se terminer cette année.
J'espère, par conséquent, que nous pourrons dégager un statut d'artiste plus cohérent tant en termes de réglementation du chômage que sur le plan de la sécurité sociale.

08.05 Muriel Gerkens (Ecolo-Groen): Madame la ministre, nous nous trouvons devant des interprétations différentes et divergentes depuis un certain temps. Il est donc nécessaire d'éclaircir certains aspects de la question.
Néanmoins, j'estime que votre réponse ne précise pas réellement sur quoi va déboucher votre proposition. Que voulez-vous dire par "délimiter plus clairement le public cible"? Cela signifie-t-il que, désormais, ne seront concernés que les artistes de spectacle, les interprètes et les techniciens de spectacle? À moins que vos propositions ne soient plus larges, au-delà des recours possibles à la "règle du cachet" et à "la règle du bûcheron"?
Vous avez des contacts avec le CNT et avec le Comité de gestion de l'ONEM, qui est en cause dans l'application des règles, mais vous n'avez pas de rencontres régulières avec les représentants des artistes. Ce serait utile pour appréhender la réalité et pouvoir envisager la suite au plan social et au plan du chômage. La problématique est bien plus large que "la règle du cachet" ou "la règle du bûcheron", sachant qu'une grande partie des artistes sont exclus de ces dispositions.

08.06 Özlem Özen (PS): Madame la ministre, vous parlez du futur. Nous soutenons évidemment vos démarches futures mais je souhaite parler du présent et de ces jugements qui ont donné raison aux artistes concernant le maintien du droit aux allocations de chômage en cas de prestation de courte durée. On sait que les circulaires interprétatives, prises à l'initiative de Mme Milquet, ont été jugées illégales car elles posent des conditions que la réglementation ne prévoit pas.
Je pense que l'avis du CNT était excellent et le gouvernement s'est engagé à l'appliquer mais il faut exécuter les jugements!

08.07 Zoé Genot (Ecolo-Groen): Madame la ministre, les deux jugements qui ont été pris ont donné une série de droits à une série de personnes et indiquent que la façon dont l'ONEM applique la législation depuis 2011 est incorrecte.
Apparemment, nous ne lisons pas les jugements de la même manière! Le premier jugement a signifié que les techniciens du spectacle ne pouvaient pas être exclus et le deuxième signifiait qu'il devait y avoir une protection de l'intermittence. On a dit à une série de gens qu'ils auraient le droit de récupérer leurs allocations mais ils n'ont toujours pas vu un centime!
L'ONEM n'a pas été en appel. Le jugement doit donc être appliqué. Vous êtes garante du respect de la loi!
Par ailleurs, vous dites que vous vous êtes concertée avec le secteur du cinéma. Je pense que c'est une excellente chose mais le secteur artistique ne peut se résumer au cinéma. J'espère donc que vous allez consulter les autres domaines artistiques.
Enfin, vous dites que vous êtes en train de déposer une série de textes à la suite de l'avis du CNT. Nous les attendons avec impatience pour pouvoir juger sur pièces.


08.08 Minister Monica De Coninck: Zal ik nog eens antwoorden? Mijn medewerkster heeft met iedereen contact, ook met de artiesten zelf. De artiesten zelf zijn het onderling ook niet met elkaar eens. Er is heel veel misbruik en de serieuze artiesten willen niet dat de zogenaamde artiesten misbruik maken van het systeem.
Er is een aspect werkloosheid en een sociaal aspect. Het is een verschrikkelijk complex dossier. Wij menen dat we voor beide aspecten een oplossing zullen vinden en dat zou een zeer goed resultaat zijn. Mijn medewerkster werkt daar ongeveer dag en nacht aan en het is geen gemakkelijk dossier.
Er zijn verschillende interpretaties mogelijk van het vonnis van de rechtbank. Voor alle duidelijkheid, de RVA wordt beheerd door vakbonden en werkgevers. Het is hun verantwoordelijkheid om daarmee om te gaan.
[Résumé en français : Les artistes eux-mêmes ne sont pas d’accord entre eux. Il y a beaucoup d’abus et les véritables artistes ne veulent pas que de prétendus artistes abusent du système. Il y a la question du chômage et l’aspect social. Le dossier est d’une effrayante complexité et ma collaboratrice y travaille jour et nuit.
Le jugement peut être interprété de différentes manières. L’ONEM est géré par les syndicats et les employeurs et il leur appartient de s’occuper de cette question.]


08.09 Muriel Gerkens (Ecolo-Groen): Monsieur le président, madame la ministre, je ne peux accepter qu'on dise encore aujourd'hui qu'il y a des faux artistes et que ce sont ces derniers qui sont à l'origine des nombreux abus. Au regard des jugements qui ont été rendus, des avis du CNT, etc., on peut dire qu'il y a des catégories d'artistes pour lesquelles il est plus ou moins facile de prendre des décisions – je pense, par exemple, aux gens de spectacle. Mais les écrivains et les plasticiens sont aussi des artistes qui – il est vrai – doivent trouver leur place. Cependant, on ne peut pas pour autant parler de faux artistes.
Il faut, selon moi, se pencher sur la situation des artistes. Il n'est pas ici question de gens qui ont des contrats très courts sans appartenir aux disciplines artistiques. Il ne faut en tout cas pas utiliser cet argument pour retarder les décisions.

08.10 Özlem Özen (PS): Madame la ministre, selon un article du journal Le Soir, vous êtes en train de rédiger un arrêté royal visant à clarifier la situation. Pouvez-vous me donner des précisions à ce sujet?


08.11 Monica De Coninck, ministre: Non.

08.12 Özlem Özen (PS): Nous reviendrons donc vers vous.

08.13 Monica De Coninck, ministre: Les textes sont en cours de rédaction. Il s'agit d'une matière très sensible. Or, je ne connais pas par cœur tout le dossier. Chacun sait que, quand je fais une déclaration, mes propos sont repris dans la demi-heure par les médias. Je ne tiens donc pas à me tromper. Pour donner des informations aussi précises, je dois, au préalable, me pencher sur tous les aspects du dossier.

08.14 Zoé Genot (Ecolo-Groen): Madame la ministre, nous aurons, sans doute, l'occasion de vous réinterroger sur les textes qui seront bientôt transmis. Mais en attendant, des personnes ont été lésées et il est important que leurs droits et les jugements soient respectés.





séance du 9 octobre 2013