08 Questions jointes de
-
Mme Özlem Özen à la ministre de l'Emploi sur "les recours en justice contre
l'application par l'ONEM des règles relatives au chômage des artistes"
(n° 19382)
-
Mme Zoé Genot à la ministre de l'Emploi et à la vice-première ministre et
ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et
des Institutions culturelles fédérales, sur "les propositions d'adaptations de
la réglementation du statut social de l'artiste"
(n° 20043)
08.01 Muriel
Gerkens (Ecolo-Groen): Monsieur le
président, madame la ministre, depuis fin de l'année 2011, des conflits ont lieu
avec l'ONEM concernant le droit des artistes aux allocations de chômage et la
distinction entre les artistes techniciens, interprètes et
créateurs.
Ma question concerne plus
particulièrement un jugement qui a été rendu au mois de juillet dernier. Le
2 juillet, je vous adressais une question orale sur la manière dont vous
comptiez anticiper l'avenir des travailleurs et travailleuses du secteur
artistique, sachant que de nouveaux jugements allaient tomber. Le
19 juillet, effectivement, le tribunal du travail de Bruxelles a donné
raison aux artistes auxquels l'ONEM avait refusé le droit à la prolongation de
leurs droits aux indemnités de chômage.
Le jugement était clair sur l'usage
de l'article 116, §5, qui concerne la protection de l'intermittence,
puisque celui-ci permet de prolonger par tranche de douze mois l'indemnisation
de chômage en première période pour les travailleurs de tous les secteurs,
excepté l'horeca, qui travaillent exclusivement dans des contrats de courte
durée, c'est-à-dire de moins de trois mois. Dans son jugement, le tribunal du
travail ne reconnaît pas à l'ONEM l'autorité pour restreindre le champ
d'application de cet article, il déplore l'usage incohérent qu'il a fait de son
pouvoir d'interprétation et condamne l'absence de notification au chômeur de ces
décisions, où, quand il y en a, leur motivation
déficiente.
De plus, le tribunal du travail
confirme que le fait éventuel d'avoir choisi l'intermittence comme mode de
travail et donc non pas seulement d'en subir les effets ne peut être opposé au
travailleur.
Quel suivi va-t-il être donné à ce
jugement? Ne serait-il pas temps de lancer un vrai travail de réflexion avec les
différents acteurs et aussi d'intégrer dans cette réflexion la dimension
économique que représente cette activité artistique au-delà de la dimension
culturelle et des droits de tous ces artistes? Je pense en effet qu'en regard du
positionnement de l'ONEM, c'est aussi une dimension qu'il faut intégrer. Quels
seraient le calendrier et les modalités de ce travail de réflexion, le cas
échéant?
08.02 Özlem Özen
(PS): Monsieur le
président, madame la ministre, vous savez que, depuis 2002, le nombre d'artistes
au chômage a explosé, puisqu'il est passé de 2000 à 8500. Je ne vais pas revenir
sur ce phénomène pour lequel il a été prouvé – nous en avons déjà débattu à
plusieurs reprises – qu'un certain nombre d'abus avaient été commis, mais
aussi que les différents bureaux de chômage avaient une pratique assez
divergente en matière d'admissibilité et d'indemnisation dans le régime du
chômage.
En 2011, une circulaire
interprétative de l'ONEM a tenté de clarifier les règles, dans le souci
d'uniformiser les pratiques des bureaux de chômage. Il n'en demeure pas moins
que cette circulaire a été contestée sur certains points et qu'elle a suscité
une vive émotion dans le monde artistique. Il apparaissait que certaines
interprétations ne collaient pas du tout au prescrit réglementaire et que
d'autres ont été jugées excessives par le Conseil national du Travail, qui avait
rendu, en juillet 2012, un avis circonstancié sur le statut d'artiste et,
en particulier, dans le secteur du chômage.
Depuis le 13 mai 2013, le
tribunal du travail de Bruxelles a examiné pas moins de 250 dossiers dont
certains concernaient des artistes exclus du chômage sur base de la circulaire
de 2011, mais qui n'ont pas pu bénéficier d'une régularisation sur base des
premières mesures d'assouplissement que vous avez prises, suite à cet avis du
CNT. Je pense ici, par exemple, aux artistes créateurs qui travaillaient dans le
monde du spectacle et qui pouvaient désormais bénéficier de la "règle du
cachet".
Le 28 juin, il semble que le
tribunal ait de nouveau tranché dans la fameuse "règle du cachet" en jugeant
discriminatoire l'exclusion par l'ONEM des techniciens du spectacle du bénéfice
de cette mesure. Confirmez-vous ce jugement? Quelle est votre position par
rapport à ce jugement qui risque, évidemment, de faire jurisprudence? Je vous
remercie déjà pour votre réponse.
08.03 Zoé Genot
(Ecolo-Groen): Monsieur le
président, madame la ministre, nous avons déjà parlé de cette question de
l'application des règles particulièrement strictes de l'ONEM vis-à-vis des
artistes. Manifestement, le tribunal du travail de Bruxelles trouve également
que l'ONEM va au-delà de ses compétences. Il a tranché une première fois le
28 juin dernier dans le cadre de la "règle du cachet" en disant que les
techniciens du spectacle pouvaient en bénéficier, contrairement à ce que l'ONEM
prétend et applique. Un deuxième jugement est tombé mi-juillet, concernant la
"règle du bûcheron", dans lequel le tribunal du travail a établi que l'ONEM
travaillait en dehors des balises légales.
Vu que l'ONEM n'a pas contesté les
jugements, on pouvait s'attendre à ce que ces règles s'appliquent et que les
personnes indûment privées de leurs allocations pendant de longs mois retrouvent
leurs droits. Ce n'est malheureusement pas le cas. Au contraire, le directeur
général de l'ONEM remet en question l'avis du tribunal du travail, ce qui est
assez étonnant dans une démocratie.
Le 27 septembre dernier, vous
avez transmis vos propositions d'adaptation de la réglementation autour du
statut social de l'artiste au CNT, qui devrait rendre son avis sur ces
propositions d'ici la fin de ce mois.
Madame la ministre, quels sont les
objectifs et balises de ces textes? Quelle est votre réaction suite à ces
décisions judiciaires et au fait que l'ONEM ne les applique
pas?
08.04 Monica De
Coninck,
ministre: Monsieur le président, chers
collègues, le statut des artistes a été introduit au moyen d'une loi-programme à
la fin de l'année 2002. Lors de cette introduction, l'objectif du
législateur était ni plus ni moins d'offrir une protection sociale plus efficace
à l'artiste.
Depuis quelque temps, je dois
toutefois constater avec vous que l'attrait du statut d'artiste ainsi que les
interprétations divergentes qui conduisent parfois à une inévitable insécurité
juridique ont donné lieu à des abus dans la pratique. C'est
justement cette insécurité juridique qui fait évidemment que l'on démarre des
procédures juridiques.
L'année passée déjà, j'ai fait
savoir dans cette enceinte à quel point j'étais heureuse que le bureau du
Conseil national du Travail (CNT) se soit à nouveau penché sur le statut des
artistes, de sa propre initiative, et ce justement parce que des abus avaient
été souvent constatés.
L'avis du CNT auquel il est fait
référence dans vos questions concerne en effet deux volets: un volet social et
un volet chômage.
En ce qui concerne la transposition
du volet chômage, qui relève de mes compétences, le Conseil a invité à augmenter
autant que possible la sécurité juridique de tous les acteurs du secteur
artistique, de simplifier la réglementation là où cela s'avérait possible et de
la raccorder de façon plus cohérente au statut social de
l'artiste.
Fin juin, j'ai déposé une
proposition au sein du Comité de gestion de l'ONEM qui correspondait tout à fait
aux recommandations du CNT et permettait une mise en œuvre de ces
recommandations qui, d'après moi, sont très
pertinentes.
Lors de l'élaboration de cette
proposition, sur l'invitation de ma collègue ministre bruxelloise Laanan, j'ai
fait régulièrement rapport sur l'état de la situation dans la plate-forme de
concertation du secteur cinématographique. Cette plate-forme rassemble les
autorités communautaires, régionales et fédérales, ainsi que les groupes
d'intérêt pour toutes les questions qui ont trait à la politique en matière
cinématographique.
Je me
réjouis déjà de pouvoir vous communiquer aujourd'hui que j'ai appris qu'à la fin
de la semaine dernière, le Comité de gestion de l'ONEM avait émis un avis
positif à l'égard du projet de texte portant adaptation de l'arrêté sur le
chômage. Dès que je disposerai de l'avis complet et des remarques qui ont été
formulées, je poursuivrai la procédure afin que la réglementation sur le chômage
puisse être adaptée d'ici le début 2014.
Les partenaires du Comité de gestion
de l'ONEM ont demandé de rendre exécutoire le volet social de l'avis du CNT.
C'est ma collègue Mme Onkelinx qui est compétente en la matière. Je puis vous
confirmer qu'elle est en train d'effectuer un exercice semblable. Il apportera
notamment une réponse à la demande du CNT visant à délimiter plus distinctement
le groupe cible. Cet exercice devrait aussi se terminer cette
année.
J'espère, par conséquent, que nous
pourrons dégager un statut d'artiste plus cohérent tant en termes de
réglementation du chômage que sur le plan de la sécurité
sociale.
08.05 Muriel
Gerkens (Ecolo-Groen): Madame la
ministre, nous nous trouvons devant des interprétations différentes et
divergentes depuis un certain temps. Il est donc nécessaire d'éclaircir certains
aspects de la question.
Néanmoins, j'estime que votre
réponse ne précise pas réellement sur quoi va déboucher votre proposition. Que
voulez-vous dire par "délimiter plus clairement le public cible"? Cela
signifie-t-il que, désormais, ne seront concernés que les artistes de spectacle,
les interprètes et les techniciens de spectacle? À moins que vos propositions ne
soient plus larges, au-delà des recours possibles à la "règle du cachet" et à
"la règle du bûcheron"?
Vous avez
des contacts avec le CNT et avec le Comité de gestion de l'ONEM, qui est en
cause dans l'application des règles, mais vous n'avez pas de rencontres
régulières avec les représentants des artistes. Ce serait utile pour appréhender
la réalité et pouvoir envisager la suite au plan social et au plan du chômage.
La problématique est bien plus large que "la règle du cachet" ou "la règle du
bûcheron", sachant qu'une grande partie des artistes sont exclus de ces
dispositions.
08.06 Özlem Özen
(PS): Madame la
ministre, vous parlez du futur. Nous soutenons évidemment vos démarches futures
mais je souhaite parler du présent et de ces jugements qui ont donné raison aux
artistes concernant le maintien du droit aux allocations de chômage en cas de
prestation de courte durée. On sait que les circulaires interprétatives, prises
à l'initiative de Mme Milquet, ont été jugées illégales car elles posent
des conditions que la réglementation ne prévoit
pas.
Je pense que l'avis du CNT était
excellent et le gouvernement s'est engagé à l'appliquer mais il faut exécuter
les jugements!
08.07 Zoé Genot
(Ecolo-Groen): Madame la
ministre, les deux jugements qui ont été pris ont donné une série de droits à
une série de personnes et indiquent que la façon dont l'ONEM applique la
législation depuis 2011 est incorrecte.
Apparemment, nous ne lisons pas les
jugements de la même manière! Le premier jugement a signifié que les techniciens
du spectacle ne pouvaient pas être exclus et le deuxième signifiait qu'il devait
y avoir une protection de l'intermittence. On a dit à une série de gens qu'ils
auraient le droit de récupérer leurs allocations mais ils n'ont toujours pas vu
un centime!
L'ONEM n'a
pas été en appel. Le jugement doit donc être appliqué. Vous êtes garante du
respect de la loi!
Par ailleurs, vous dites que vous
vous êtes concertée avec le secteur du cinéma. Je pense que c'est une excellente
chose mais le secteur artistique ne peut se résumer au cinéma. J'espère donc que
vous allez consulter les autres domaines
artistiques.
Enfin, vous dites que vous êtes en
train de déposer une série de textes à la suite de l'avis du CNT. Nous les
attendons avec impatience pour pouvoir juger sur
pièces.
08.08
Minister Monica De Coninck:
Zal ik nog eens antwoorden? Mijn medewerkster heeft met iedereen contact, ook
met de artiesten zelf. De artiesten zelf zijn het onderling ook niet met elkaar
eens. Er is heel veel misbruik en de serieuze artiesten willen niet dat de
zogenaamde artiesten misbruik maken van het systeem.
Er is een aspect
werkloosheid en een sociaal aspect. Het is een verschrikkelijk complex dossier.
Wij menen dat we voor beide aspecten een oplossing zullen vinden en dat zou een
zeer goed resultaat zijn. Mijn medewerkster werkt daar ongeveer dag en nacht aan
en het is geen gemakkelijk dossier.
Er zijn verschillende
interpretaties mogelijk van het vonnis van de rechtbank. Voor alle
duidelijkheid, de RVA wordt beheerd door vakbonden en werkgevers. Het is hun
verantwoordelijkheid om daarmee om te gaan.
[Résumé en français :
Les artistes
eux-mêmes ne sont pas d’accord entre eux. Il y a beaucoup d’abus et les
véritables artistes ne veulent pas que de prétendus artistes abusent du système.
Il y a la question du chômage et l’aspect social. Le dossier est d’une
effrayante complexité et ma collaboratrice y travaille jour et nuit.
Le jugement peut
être interprété de différentes manières. L’ONEM est géré par les syndicats et
les employeurs et il leur appartient de s’occuper de cette question.]
08.09 Muriel
Gerkens (Ecolo-Groen): Monsieur le
président, madame la ministre, je ne peux accepter qu'on dise encore aujourd'hui
qu'il y a des faux artistes et que ce sont ces derniers qui sont à l'origine des
nombreux abus. Au regard des jugements qui ont été rendus, des avis du CNT,
etc., on peut dire qu'il y a des catégories d'artistes pour lesquelles il est
plus ou moins facile de prendre des décisions – je pense, par exemple, aux gens
de spectacle. Mais les écrivains et les plasticiens sont aussi des artistes qui
– il est vrai – doivent trouver leur place. Cependant, on ne peut pas
pour autant parler de faux artistes.
Il faut, selon moi, se pencher sur
la situation des artistes. Il n'est pas ici question de gens qui ont des
contrats très courts sans appartenir aux disciplines artistiques. Il ne faut en
tout cas pas utiliser cet argument pour retarder les décisions.
08.10 Özlem Özen
(PS): Madame la
ministre, selon un article du journal Le Soir, vous êtes en train de
rédiger un arrêté royal visant à clarifier la situation.
Pouvez-vous me donner des précisions à ce
sujet?
08.11 Monica De
Coninck,
ministre: Non.
08.12 Özlem Özen
(PS): Nous
reviendrons donc vers vous.
08.13 Monica De
Coninck,
ministre: Les textes sont en cours de
rédaction. Il s'agit d'une matière très sensible. Or, je ne connais pas par cœur
tout le dossier. Chacun sait que, quand je fais une déclaration, mes propos sont
repris dans la demi-heure par les médias. Je ne tiens donc pas à me tromper.
Pour donner des informations aussi précises, je dois, au préalable, me pencher
sur tous les aspects du dossier.
08.14 Zoé Genot
(Ecolo-Groen): Madame la
ministre, nous aurons, sans doute, l'occasion de vous réinterroger sur les
textes qui seront bientôt transmis. Mais en attendant, des personnes ont été
lésées et il est important que leurs droits et les jugements soient
respectés.
séance du 9 octobre 2013