Qu'en est-il des procédures lancées par les artistes à l'encontre de l'ONEM?


Beaucoup s'interrogent avec raison sur l'incidence des procédures introduites par 250 artistes auprès du tribunal du travail. Il convient dès lors de partager avec vous un point d'information à ce sujet.


Le contexte est connu de tous : en octobre 2011, l'ONEM a revu de manière restrictive son interprétation du cadre légal sur lequel repose le statut social des artistes.

A l'époque, le gouvernement fédéral est en affaires courantes. Aucune loi n'a changé et la ministre de l'Emploi soutient son administration. Depuis, un pilotage à l'aveugle a conduit l'ONEM à produire différentes circulaires interprétatives, menant les artistes, les créateurs et les techniciens dans les méandres obscurs de l'insécurité juridique. C'est d'autant plus inquiétant que s'agissant des métiers des arts et de la culture, on évoque des secteurs par essence fragiles.



Les 13 et 14 mai dernier, le tribunal du travail se penchait sur ces dossiers. Les débats portèrent sur deux points:

1. Qui a droit à bénéficier de la règle du cachet (Art.10)?
2. Qui peut voir le montant de ses allocations de chômage immobilisées en première période d'indemnisation (Art. 116§5)?



Les plaidoiries furent de haut vol. Les meilleurs avocats maitrisant le droit du travail dans le secteur artistique étaient présents.

Suzanne Capiau, conseil de SMartBe, Anne Rayet, représentant la SACD, Clarisse Sépulchre pour le SETCA et trois ténors du cabinet Huismans (Serge Birenbaum, Romain Leloup et Eliot Huismans), dépêchés pour la cause et en force par la CGSP.
Pour info, l'organisation du tribunal du travail est la suivante: aux côtés du magistrat qui préside la cour, siègent deux juges sociaux. L'un représente les employeurs, l'autre les travailleurs. Le tribunal est également composé d'un auditeur. Celui-ci émet un avis consultatif, mais très important, car il représente la société civile.
Les actions portées devant le tribunal sont individuelles. Elles ont été regroupées en deux audiences car elles concernent des situations comparables. Nous espérons tous qu'elles permettront de dégager une jurisprudence favorable aux artistes.

Le 28 juin, le tribunal a rendu un jugement relatif à plusieurs dossiers concernant la règle du cachet. D'une part pour les techniciens à qui l'application de cette règle est désormais refusée par l'ONEM, ensuite pour les créateurs travaillant dans des secteurs autres que ceux du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel et qui se trouvent dans une situation d'exclusion comparable à celle des techniciens.

S'agissant des techniciens, le tribunal a considéré que si la loi ne les mentionnait pas de façon explicite, travaillant de la même façon que les interprètes, il était légitime qu'ils puissent bénéficier de cette règle.

L'ONEM a fait appel de cette décision.
En ce qui concerne les créateurs travaillant en dehors du secteur du spectacle (spectacle vivant, cinéma et audiovisuel), le tribunal ne s'est pas clairement prononcé. Le flou juridique reste entier et c'est regrettable. 
La CGSP a fait appel de cette décision.
La prochaine audience a été fixée au vendredi 28 février 2014.

Le 19 juillet furent rendus les jugements concernant l'article 116§5 (celui que je rechigne à dénommer "la règle du bucheron"). L'interprétation par l'ONEM de cet article de loi fut tellement créative que le tribunal a considéré, sans équivoque, que pour en bénéficier, il suffit de démontrer une occupation exclusive dans des contrats de courte durée (moins de trois mois), sans aucune discrimination sectorielle. 

L'ONEM n'a pas fait appel de cette décision.
Concrètement, le juge a décidé d'examiner chaque pièce justificative de prestation déposée dans les dossiers des plaignants, afin d'en vérifier la conformité. La décision finale interviendra courant janvier 2014.


Pour chaque dossier déposé, les avocats ont demandé à ce que l'ONEM soit condamné à verser aux plaignants une somme correspondant à ce qu'ils auraient perçu s'il avaient continué à bénéficier des dispositifs dédiés.

Voila pour ce qui concerne les procédures judiciaires. Dans un autre registre, l'avis émis par le Conseil National du Travail en juillet 2012 concernant le statut social de l'artiste a amené le ministère des Affaires sociales et le ministère du Travail à concevoir des adaptations au cadre légal ou à son application. Ces adaptations sont en cours d'élaboration. Elles feront prochainement l'objet de modifications apportées au statut social de l'artiste, du créateur et du technicien.

A suivre avec attention...
gv



(en illustration, une oeuvre de Lem)